1. ► Bonnie Cartwright a été officiellement élue – par elle-même – Drama Queen de la ville. Si elle porte son surnom comme un étendard, et donc avec fierté, on aurait tort de penser qu'elle ne sait pas combien il est péjoratif. C'est que ce spécimen a tout d'un stéréotype habilement construit d'année en année. Bonnie est une peste, de la veine des pestes de lycée qui pensent que le monde ne tourne qu'autour d'elles, de leurs désirs et de leurs problèmes. Et des problèmes, elle en a des tas : une robe dont la coupe ne lui va pas, les hommes, sa sœur jumelle, les gens de façon générale, et pas forcément dans cet ordre-là. Impossible de passer à côté de l'exubérance mélodramatique qu'elle dévoile un peu plus chaque jour. Avec la langue – de vipère – acérée si prompte aux critiques et médisance, et armée d'une mauvaise foi absolue qui paraît comique pour certains, il semblerait que Bonnie ait oublié de vieillir et d'accepter qu'elle n'est pas le nombril du monde et qu'en vérité, la plupart des gens préfèrent l'ignorer que s'intéresser à l'une de ses interminables crises. Bonnie se plaint de tout et de rien, mais surtout des autres. La remise en question lui est parfaitement inconnue : elle n'a jamais tort. Jamais. Mais plus que cela, elle éprouve le besoin viscéral de se faire remarquer des autres pour éviter de sombrer dans un anonymat qu'une fille avide d'attention dans son genre ne pourrait supporter. Et tant pis si elle en fait trop, au risque de lasser les autres, en bien ou en mal, l'essentiel, c'est qu'on parle d'elle.

2. ► On aurait tort de réduire Bonnie à l'apparence peu flatteuse qu'elle renvoie. Si elle éprouve à ce point le besoin de se faire remarquer, c'est parce qu'elle est terrifiée. Terrifiée de n'être personne, de ne pas compter, de ne pas être aimée. Souffrant d'un manque de confiance en elle terrible depuis toujours et qui a été soigneusement alimenté année après année, elle verse dans l'excès, adopte un comportement de garce imbue d'elle-même pour ne donner à personne l'opportunité de discerner sa vulnérabilité. Bonnie est bien plus fragile qu'il n'y paraît, mais elle préférerait mourir plutôt que de reconnaître ses faiblesses ou d'admettre qu'elle est peut-être un peu moins peste que ce qu'elle veut bien l'admettre. Son tempérament explosif est sa seule protection, et le moyen – pense-t-elle – d'atteindre son objectif ultime : devenir la personne la plus populaire de Fairview. Oui, dans la tête de Bonnie se joue bel et bien un film dont elle est l'héroïne, avec un scénario qui ne vole pas plus haut que les comédies pour adolescentes. Plus intelligente qu'il n'y paraît, elle est consciente de ne pas avoir à sa disposition les qualités qui pourraient la mettre en valeur (l'argent, le statut, l'intelligence et même la beauté). Elle est désespérément moyenne et surtout, trop souvent laissée de côté. Persuadée que les gens n'aimeraient pas la véritable Bonnie, elle déploie des trésors pour ne pas la laisser transparaître. Son côté peste, c'est la seule assurance qu'elle ait trouvée : il lui permet de donner l'illusion que rien ne peut réellement l'ébranler et évite qu'on ne se serve de ses faiblesses contre elle. Plus que d'être une garce, Bonnie est surtout terriblement névrosée.

3. ► Les malheurs de Bonnie ne seraient pas complets sans la présence de l'antagoniste principale du film de sa vie. Callie, sa sœur jumelle, est à peu près tout son contraire, et semble n'exister que dans le but de lui pourrir la vie. Comment expliquer autrement qu'elle puisse réussir systématiquement où Bonnie échoue ? Bien qu'insupportablement réservée, cynique et franchement antipathique, les gens se prennent systématiquement d'affection pour elle et lui accordent toute leur attention quand il est pourtant évident que Bonnie la mérite bien davantage. Callie est l'incarnation de son pire cauchemar, mais malgré les critiques incessantes qu'elle fait pleuvoir sur sa petite sœur (elles n'ont que quelques minutes d'écart, mais Bonnie est bien la plus âgée), elle l'aime profondément. Assez profondément pour lui pardonner son manque de goût en matière de vêtements, de fréquentations, de loisirs, et... de tout. Bonnie s'impose dans la vie de sa sœur sans lui laisser vraiment le choix et domine largement leur duo. Et si elle a bien conscience que Callie la laisse volontairement faire pour lui faire plaisir, elle continue de se montrer intransigeante avec elle. Impossible de s'expliquer comment les gens peuvent préférer la solitaire à l'expansive jumelle, elle nourrit une certaine rancoeur à l'égard de Callie, qu'elle ne parvient que difficilement à surmonter. Alors elle trouve tous les prétextes pour la déverser, et en public le plus généralement pour asseoir sa réputation au sein de la ville. Pour autant, elle estime être la seule à avoir le droit de le faire, garde un œil sur sa sœur et tuerait pour elle. Malgré toute la complexité de leur relation, Bonnie tient à Callie comme à la prunelle de ses yeux et cela, même si quelque chose entre elles s'est cassé depuis le scandale Nate. Entre les jumelles, les liens du sang peuvent faillir, mais ils ne se brisent jamais vraiment.

4. ► Nate n'est d'ailleurs que le dernier d'une longue série d'échecs dans la vie sentimentale de Bonnie mais il est de loin le plus cuisant. Elle se souvient encore de l'incroyable sensation de victoire qu'elle avait ressenti en mettant le grappin sur « le célibataire le plus convoité de la ville », comme elle aimait à le rappeler. A présent elle comprend mieux comment un type comme lui peut rester célibataire : qui voudrait d'un connard sans scrupule capable de jouer double jeu pendant des mois avec sa propre sœur jumelle, tout ça pour mieux les humilier en public une fois la supercherie révélée ? L'ego de Bonnie, déjà relativement bas, en a pris un sacré coup. Si bien qu'elle a refusé pendant des semaines de mettre un seul pied dehors. En grande drama queen qui se respecte, elle s'est persuadée qu'elle ne supporterait pas les regards moqueurs ou plein de pitié que les habitants de la ville ne manqueraient évidemment pas de lui adresser. Elle a également décidé d'ignorer sa sœur pendant des jours entiers, nimbée dans son habituelle mauvaise foi. Si elle avait beau savoir que Callie était tout aussi victime qu'elle de cet enfoiré de Mayer, cette histoire ne faisait qu'ajouter un élément supplémentaire à toutes les raisons qui pouvaient pousser Bonnie à être jalouse de Callie. Naturellement, personne ne s'est vraiment soucié de son sort lorsqu'elle a décidé de ressortir : Fairview n'est qu'une longue suite de dramas, et tout le monde était déjà passé à autre chose, à une autre histoire, à un autre scandale. Pour autant, imaginer une seule seconde qu'elle puisse laisser passer cette histoire serait bien mal connaître Bonnie Cartwright. L'humiliation subie est telle qu'elle lui inspire un profond désir de vengeance. Elle a mal. Et pas seulement à son égo. Et sa douleur est un puissant moteur pour développer de nouvelles idées créatives en matière de revanche.

5. ► Bonnie gère depuis plusieurs années maintenant un petit diner dans la ville, le bien nommé Love Philter. Si elle attend encore que le charme du nom fasse son effet dans sa vie sentimentale, l'endroit est en tout cas un véritable succès. Avec sa soeur comme co-propriétaire, elles s'octroient un certain monopole sur la mode du diner façon 50's et régalent les clients à la fois de leurs petits plats maison et de leurs inévitables prises de bec en public, dont Bonnie est toujours l'instigatrice. Elle sait bien que la majorité des habitants ne se rendent ici que pour assister à des scènes dantesques où le mélodrame s'exacerbe pleinement. Mais peu importent les raisons, la jeune femme est incroyablement fière d'avoir un business qui fonctionne et s'investit comme elle le peut dans l'endroit. Elle laisse à Callie toutes les tâches qui ne l'intéressent pas - comme... tout ce qui touche à la cuisine et aux chiffres - pour se concentrer sur les vraies missions d'ampleur : la promotion du Love Philter, l'administration hors comptabilité et surtout le service, qu'elle maîtrise parfaitement.

BONNIE. ~ Bonnie est de celles que l'on regarde, que l'on jauge sans être vraiment trop certain de savoir si on doit la détester ou compatir. Véritable cliché ambulant de la peste du lycée qui se pense beaucoup trop bien pour le bas-peuple, ses principales préoccupations consistent à se plaindre, à médire sur les autres, à faire du shopping et à réprimander sa sœur jumelle sur à peu près tout et n'importe quoi. Affublée de tout un tas de surnoms aussi sympathiques les uns que les autres, à commencer par la vipère, il est vrai que Bonnie ne fait pas grand-chose pour se faire apprécier des autres et pire, chaque fois qu'elle essaie, elle se plante, ce qui la rend encore plus détestable auprès des autres. Pourtant, derrière ce masque de peste médisante se cache une femme bien plus sensible qu'il n'y paraît. Souffrant d'un profond manque de confiance en elle et d'un terrible complexe d'infériorité, elle cache ses névroses sous une carapace de femme forte, fière, indépendante, à l'assurante débordante et à l'égo démesuré. En faire trop, pour être crédible et surtout pour se protéger. Certaine de n'être pas assez bien pour les autres, elle fait en sorte de choisir elle-même ce que les autres penseront d'elle. Envieuse d'une jumelle que tout le monde adore alors qu'elle ne fait rien pour – bien au contraire – Bonnie fait tout l'inverse de ce qu'elle devrait faire. Le résultat reste invariablement le même : plus elle essaie de se faire aimer (de sa façon tout à fait personnelle et tordue), moins elle y parvient, et plus elle se fait détester.

HOLLY. ~ Bonté et bienveillance faites femme, Holly est tout ce que Bonnie pourrait être si elle cessait de se comporter comme une peste. Obligée de grandir bien trop vite suite à la mort de ses parents, c'est elle qui a repris le rôle de la mère auprès de sa petite sœur, Red. Tant et si bien qu'elle la surcouve, la surprotège, pensant ainsi pouvoir l'éloigner du danger sans même savoir que le danger n'est pas extérieur, il est en elle. Amoureuse des livres, elle tire son savoir inépuisable dans tous ceux qu'elle dévore lorsque le temps le lui permet. A l'étroit dans un carcan qui ne lui correspond pas tant, bien qu'elle en ait fait une habitude, Holly rêve d'aventure, rêve d'évasion mais s'oblige à mettre ses rêves en sourdine pour le bien-être de sa petite sœur, et qu'importe si sa vie à elle doit passer au second plan pour cela. Désintéressée, profondément altruiste, sa loyauté et et son grand cœur en font une alliée de choix dans la rébellion du Prince James et de sa femme, Blanche, dont elle est la meilleure amie. Prête à les cacher eux, ainsi que tous leurs sympathisants, dans son auberge, elle se moque des risques qu'elle encourt (sa tête est de fait mise à prix pour trahison envers la couronne), elle accède elle aussi à son rêve d'aventure. Et des aventures, elle en vit, des périlleuses et des étonnantes aux côtés de sa grande amie alors qu'elles parcourent Goldendust à la recherche d'une cure contre la lycanthropie de Red. Quant à ses relations sentimentales... sa bonté en fait une cible facile pour tous les profiteurs, lesquels n'hésitent jamais à se servir d'elle et lui briser le cœur par la suite, la privant ainsi d'une grande et belle histoire d'amour, qu'elle continue pourtant d'espérer secrètement.