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Whitehurst. Notre petite home countie, comme nous aimions l'appeler lorsque tout ici ressemblait encore à un village de poupées. Nous étions une sorte de résistance urbaine, un hors-temps au siècle de l'expansion des grandes villes, du progrès technologique et des suites du capitalisme. Bordés par une mer glacée qui nous salait la peau de ses embruns, d'une forêt vierge aux accents merveilleux, et dont l'angoisse ne nous atteignait que pour nous rendre plus amoureux d'elle, recouverts par des nuages épais qui cachaient notre bonheur au reste du monde. Nous avions notre histoire, elle trouvait sa place dans l'écrin de la grande Histoire qui lui était réservé, mais aussi et surtout nos histoires, plurielles, celles qui composaient notre quotidien et que nous chérissions comme autant de souvenirs communs. Nous possédions, précieusement, de longues querelles entre familles, des joies, des fêtes et des déceptions, nous avions des tristesses que nous partagions, des espoirs qui, parfois, se heurtaient les uns aux autres. Nos différences nous unissaient, Whitehurst était ce patchwork d'humanités vraies dont les couleurs qui n'allaient pas ensemble arrivaient à former, étrangement, quand on les regardait, un tout harmonieux.

Mais toujours, ce qui n'appartient qu'à soi, tout ce qui se réclame sans jamais le revendiquer, étranger de l'intérieur, finit par irriter le commun. Son charme atypique fascine puis nait alors la jalousie, enfin, la destruction. Nous étions trop différents de la masse, du plus grand nombre, nous étions trop heureux et trop faibles à la fois, ce qui est contraire aux lois de ce monde. En choisissant notre ville pour y tourner son film, Peter Johnson savait qu'il s'apprêtait à détruire tout ce qu'elle représentait, et tout ce qui lui avait plu chez elle. Des jours durant, nous vîmes les camions circuler dans nos rues pavées, les lumières et les flashs artificiels inventer le soleil que nous n'avions pas. Nous vîmes des choses extraordinaires : des caméras dernier cri, des acteurs et des actrices sublimes, nous vîmes le grotesque et le drame s'emparer de nos vies et, peu à peu, certains d'entre nous ont vécu dans ce rêve. Pendant deux années de tournage, Whitehurst est devenu théâtre, nombre de ses habitants se sont improvisés acteurs de leur propre existence. Ceux qui dénonçaient la fatuité de l'entreprise étaient relégués au rang de ringards, d'anti-progrès. Nous avons attendu la fin officielle du tournage comme un jour béni, nous avons fêté le départ des envahisseurs de notre cité chérie avec la fougue d'un ravissement complet, nous pensions, candides, que le bonheur reviendrait. Nous ignorions, à cet instant, jusqu'à quel point nous avions tort.

« La découverte de Whitehurst a été un véritable coup de foudre, mon agent et producteur n’en revenait pas qu’il puisse exister un si bel endroit coupé du monde dans le Royaume-Uni (rires).  On se serait cru dans un lieu mystique reconstitué par des studios de montage, vous savez, le genre de décor qu’on ne trouve que dans Le Seigneur des Anneaux. Je n’imaginais pas tourner ailleurs City Heart. Tout le scénario avait été basé sur la ville, son ambiance, ses ruelles, le ciel qui la recouvre. Bien sûr, Whitehurst est un peu... arriérée, le manque de moyens et parfois de coopération de la part de certains habitants ont dû être palliés par notre équipe, qui a fourni un travail hors du commun, et permis au film de gagner sa place au festival de Toronto. Nous remercions de tout cœur les habitants de Whitehurst, notamment le Maire Hawthorne d’avoir accepté de servir de décor à City Heart. Je crois que le meilleur cadeau qu’on puisse lui faire en retour, c’est une publicité extraordinaire qui amène déjà, à l’heure où je vous parle, des touristes de tous les continents au cœur de la ville. Whitehurst cherchait depuis longtemps à se moderniser, c’est notre façon de lui témoigner notre gratitude, en tant qu’artistes. »
Peter Johnson, réalisateur de City Heart, 2012.

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» Depuis la sortie du film indépendant à fort succès City Heart - premier au box office depuis sa sortie en salles après le TIFF (Festival de Toronto, 2012), la ville du tournage, Whitehurst, a amené jusqu'à ce jour près de 900 000 touristes.

» De plus en plus d'investisseurs misent sur le succès naissant de cette bourgade. De nombreux projets sont actuellement en cours de développement afin de capitaliser sur le succès du film. On parle notamment d'un centre commercial, ainsi que d'un cinéma, pour les projets les plus avancés.

» Les complexes hôteliers se développent en bord de mer et les chalets typiques dans la forêt de Whitehurst, pouvant accueillir un total de dix  mille visiteurs.

» L'actrice Leigh Perry, qui occupe le rôle principal de City Heart, a récemment acheté une propriété en bordure de mer, avouant ainsi son coup de cœur pour la ville lors du tournage du film. D'autres célébrités européennes ont déjà visité Whitehurst, et semblent également conquises par les attraits de la ville.

» Le 21 mai 2014 a vu le jour un organisme non-gouvernemental fondé par un habitant de Whitehurst, Flyn Dogterom, pour protester contre le soit-disant laxisme du maire de la ville au sujet des autorisations de constructions et de modernisation de la ville. Rapidement rejoint par d'autres habitants de Whitehurst qui revendiquent la fermeture de la ville aux nouveaux habitants et installations, ce groupe accueille également des habitants plus déterminés, qui exigent la fermeture de l'accès à la ville aux touristes. Si ce mouvement a commencé par susciter les rires, il prend de plus en plus d'ampleur et est rejoint par de nombreux intervenants anglais et européens, soucieux de préserver ce qui semble être un des derniers lieux de charme (a?)typique de l'Angleterre.

CONTEXTE REDIGE PAR OARISTYS
POUR HOMETOWN GLORY (2014).