New Orleans fait du bruit. Le jour, la nuit, quand ce ne sont pas les vendeurs qui beuglent sur les trottoirs, les prostituées qui hurlent contre les flics, c'est le vieux Ben et sa bande qui déambulent dans un boucan d'enfer avec leurs instruments du Diable. Le jazz, voilà ce que sent la Nouvelle-Orléans, ce qu'elle pue depuis la nuit des temps. Les gens d'ici ne jouent pas avec vous, ils sont vrais. Ça gueule et ça chiale, à la Nouvelle-Orléans, ça rit aux éclats et ça renverse de l'alcool sur la terre que foulent les gosses quand ils courent jusqu'à Audubon Park. Les dames du vieux carré se pavanent dans les rues et devant les cafés, se font reluquer par les ouvriers, les jeunes sortent des lycées, des universités, et partent trinquer au Benny's. Ce soir, peut-être, ils iront se déhancher au Maple Leaf, pendant que les vieux de la première heure s'en iront jazzer au Snug Harbor. Mais attention à la nuit qui tombe sur la Nouvelle-Orléans, elle apporte avec elle le second visage de la ville. Les camés, les américains en vacances prolongées hantent les coins trop sombres et les parcs fermés par les grandes grilles. Attention au manque d'argent, et à ceux qui savent le flairer les yeux fermés. Attention, la nuit, aux hommes en imperméables rapiécés qui marchent les mains dans des poches trouées. Une fois les étoiles levées, les mères rentrent chez elles en tramway, les enfants sont bordés, les touristes ferment à clé la porte de la chambre d'hôtel, et les démons du soir trinquent leurs verres dans un sourire édenté, secouant leurs têtes frisées au son du blues de la Nouvelle-Orléans. Dans le noir profond de New Orleans, hiver, printemps, automne, été, si on tend l'oreille, on peut entendre raisonner oh, the devil's gonna get you, yeah the devil's gonna get you, man, as sure as you's born.